L’autre soir, puisqu’il est passé sur le vieux média, j’ai regardé Scarface pour la énième fois. Ce film me questionne à chaque fois. Le héro Tony Montana est devenu une icone de la culture populaire et des jeunes des quartiers. Jusqu’à présent, j’attribuais cela à une identification à leur camarade d’infortune, à travers des citations comme :
J’ai des mains faites pour l’or et elles sont dans la merde !
Un autre visionnage, j’ai trouvé le film intéressant du point de vue de la sous-culture des rues, du virilisme surjoué et défensif des quartiers, avec son corollaire la drague lourde :
Moi je n’ai confiance qu’en mon manche et ma parole… l’une est de fer et l’autre d’acier !
En fait, à chaque fois que je regarde Scarface, il m’ouvre une nouvelle porte. Cette fois-ci, c’est un nouvel aspect qui m’a interpelé.
The world is yours
« Le monde est à toi » ou « The World is Yours » est une phrase emblématique du film. Elle apparait deux fois. Une fois sur un dirigeable dans le ciel au début du film, et une autre gravée sur un globe trônant dans le hall de la demeure de l’idole des jeunes des técis. Dans le film, Tony Montana est un immigrant cubain qui arrive à Miami sans rien et gravit les échelons pour devenir un baron de la drogue. La phrase « The World is Yours » représente son ambition, son désir de réussite et de pouvoir, quitte à franchir des limites morales et légales.
Cependant, elle prend une tournure ironique à la fin du film. Malgré sa richesse et son pouvoir, Tony perd tout à cause de sa paranoïa et son addiction à la cocaïne. Son destin tragique devrait faire de Tony Montana un symbole de prévention. Sauf que les gamins de quartier s’identifient à lui comme une idole de la transgression ou un symbole sacrificiel de leur condition.
Mais, sans doute en raison de l’actualité du moment, cette fois j’ai associé cette phrase à une autre, très en vogue dans la contre-culture des boomers comme moi.
We want the world and we want it now
La phrase « We want the world and we want it now » est une réplique emblématique de la chanson « When the Music’s Over » des Doors. A travers cette réplique, Jim Morrison exprime l’impatience de la jeunesse de l’époque, reflétant un sentiment d’urgence, une volonté de transformation immédiate, ainsi qu’une quête d’absolu autodestructrice. Ce qui est finalement très caractéristique de l’adolescence.
En fait, la contre-culture regorge d’illustration de cette quête d’absolu.
Soyons réalistes, demandons l’impossible
« Soyons réalistes, demandons l’impossible » est une phrase souvent attribuée au Che Guevara, célèbre révolutionnaire marxiste et figure politique d’Amérique latine. Toutefois, cette expression est également associée aux mouvements étudiants et ouvriers de mai et juin 1968 en France.
Cette phrase incarne l’idée que pour provoquer des changements, il est nécessaire de viser au-delà des limites imposées par la société. Elle suggère aussi, comme les deux autres, la quête absolue de liberté.
En somme, ces trois phrases représentent un invariant de la contre-culture et de la jeunesse.
Le péril jeune connecté
« Le Péril Jeune » est un film français réalisé par Cédric Klapisch, sorti en 1994. Le film raconte l’histoire de quatre amis qui se retrouvent cinq ans après avoir quitté le lycée, à l’occasion de l’accouchement de la femme de Tomasi leur ami décédé d’une overdose. Ce film illustre également la quête d’absolu et de transgression qui s’accompagne d’une mise en danger caractéristique de l’adolescence. Elle illustre aussi la période des premiers engagements politiques.
Je vous laisse méditer ceci en regard de la coupure de TikTok en Nouvelle-Calédonie, de l’interdiction des réseaux sociaux avant 18 ans, des aspirations de la jeunesse actuelle, de ses engagements, de sa propre quête d’absolu, de ses transgressions et ses excès qui passent, qu’on le veuille où non, par les smartphones. Je vous laisse méditer cela en regard de la manière dont nous les adultes parlons de leur “ouverture des portes de la perception”.
Moi, je continue l’infinite scrolling dans mes références de boomer nostalgique…