Antonio Casilli, sociologue et auteur d’« En attendant les robots », plaide pour une remise en question urgente du business model des entreprises du numérique. Il propose de déplacer le débat de l’impact des écrans sur notre intelligence vers une critique plus fondamentale de la structure économique des plateformes numériques. Casilli explique que ces technologies ne rendent pas intrinsèquement les gens plus bêtes, mais que le capitalisme de plateformes, avec sa quête incessante de l’automatisation parfaite et la collecte massive de données, fragmente notre attention et exploite notre travail invisible. Ce modèle d’affaires repose sur le temps passé par les utilisateurs sur ces plateformes, générant ainsi des données précieuses pour les algorithmes. Casilli critique la tendance à individualiser la responsabilité en matière d’hygiène numérique, arguant que cette approche néglige de confronter les véritables motivations économiques des grandes multinationales. Il propose une triple stratégie pour contrer ce problème : s’informer sur le fonctionnement de ces technologies, s’exprimer collectivement contre les pratiques nuisibles, et s’engager politiquement pour transformer les modèles économiques en place.
C’est comme la crise climatique : le risque est collectif, mais la responsabilité est renvoyée aux individus. « Il ne faut pas laisser vos enfants devant un écran », c’est le nouveau « il faut trier vos déchets ». Utile, mais pas suffisant.