C’est vraiment septembre (déjà)

par | 1 Sep 2024 | Édito

Cet été 2024 a été particulièrement productif, marqué par la mise en ligne du site ainsi que par plusieurs expérimentations et découvertes autour des architectures techniques des médias sociaux et de l’intelligence artificielle. Après des années passées à m’occuper “des méchants écrans qui mangent le cerveau des enfants”, il est temps pour moi d’élargir mes horizons.

Le temps ainsi libéré par la trêve estivale et la perspective de mon changement d’horizon professionnel, m’a offert l’opportunité d’une réflexion plus approfondie sur la médiation numérique et sur la nécessité d’une spécialisation accrue des médiateurs. Cette période m’a permis de tirer une conclusion importante : un médiateur ne peut être expert en tous les domaines, en particulier face aux enjeux sociétaux complexes et aux technologies émergentes.

Bien sûr, cela m’a rappelé l’étude menée par le laboratoire de recherche Askoria sous la direction de Pierre Mazet, qui portait sur l’impact des demandes d’aides administratives en ligne sur l’offre et les pratiques en médiation. Il est évident que les problématiques d’inclusion numérique accaparent une part significative du temps des médiateurs, ajoutant une charge mentale conséquente. Une fois libéré de ces contraintes, la médiation numérique peut enfin retrouver son essence, et je me suis rappelé les raisons qui m’ ont poussées à m’orienter vers ce métier.

Forcément, en pleine cogitation, en apprenant la nouvelle de son décès, j’ai repensé aux mots de Luc Carton, lors de la rédaction du livre blanc de l’éducation populaire en 2001 : “Nous sommes devenus les gestionnaires de l’impuissance publique”.

Sur Internet, c'est tous les jours septembre

Revue de Web

Cet été, j’ai donc consacré du temps à organiser, hiérarchiser et indexer tous les signets et hyperliens accumulés depuis des années. Le volume est conséquent ! Je n’ai pas terminé. Pour illustrer, en début d’année, J’avais initialement prévu de dédier deux heures chaque semaine pour partager ma veille hebdomadaire sur Threads, mais le flux d’information était tel que ces contenus se perdaient, laissant peu de trace de leur pertinence. Je vais donc réitérer l’exercice, mais cette fois sur ce site.

Ce travail de curation s’avère particulièrement enrichissant. En examinant le semestre d’actualité numérique, j’ai beaucoup réfléchi à la pérennité de l’information et à son obsolescence programmée. Avec du recul, j’ai constaté que de nombreux contenus partagés sur Threads avaient perdu de leur pertinence. Parmi les 233 articles initialement partagés, j’en ai conservé 115, un nombre déjà significatif. Au-delà du volume, se pose la question du sens et de la complexité de l’éditorialisation des informations pour permettre une compréhension claire. Cela est d’autant plus vrai pour l’actualité juridique, où il est difficile de rendre compte de la lisibilité entre les des projets de loi, les débats à l’Assemblée nationale et au Sénat, les divers avis du Conseil d’État, du Conseil constitutionnel, de la Commission européenne ou parfois de la Cours européennes des Droits de l’Homme, jusqu’aux décrets d’application. La restitution de cette complexité dans un délai raisonnable pour une initiative personnelle semble quasiment impossible, soulevant des questions importantes sur la construction des représentations du numérique.

En effet, ces informations jouent un rôle crucial dans l’autoformation des travailleurs sociaux. À mon avis, elles influencent la constitution de leurs représentations et, par conséquent, leur pratique professionnelle. Par exemple, certaines appréciations, comme cette enseignante qui associait les résultats scolaires au temps passé devant les écrans, montrent comment ces (non)connaissances influencent les perceptions et les décisions professionnelles. Cela peut mener à des situations où des évaluations psychologiques ou des séances d’orthophonie sont négligées à cause de raisonnements simplistes.

Bref, ce périple m’a conduit à définir cinq rubriques pour organiser ma veille, que je vous présente ci-dessous, accompagnées de commentaires sur le premier semestre de l’année 2024.

Lézécrans Daily

Le premier semestre 2024 a été marqué par le rapport de la Commission Écrans, qui a souligné la complexité de l’impact des écrans sur la santé mentale et physique des jeunes. La recherche internationale indique que cet impact est à la fois complexe et contextuel, rendant difficile une évaluation uniforme. Il est donc crucial que toute législation sur la régulation du temps d’écran soit accompagnée d’une éducation aux médias et d’un soutien parental approprié, bien au-delà de la mise en œuvre d’un contrôle parental ou de la simple sensibilisation. 

Les préoccupations croissantes concernant la santé mentale des jeunes mettent en lumière la nécessité de ne pas se limiter à des mesures focalisées uniquement sur les écrans, les smartphones, les jeux vidéo ou les médias sociaux. Il est plus pertinent de réexaminer la place des enfants et des adolescents dans la société, d’améliorer leur cadre de vie et de garantir la présence d’équipements socioculturels adaptés dans les territoires. Bien que le rapport de la Commission Écrans marque un progrès, sa mise en œuvre dépendra de l’engagement politique pour soutenir et financer les initiatives locales, tout en évitant les discours alarmistes et les paniques morales. Le chemin reste encore long…

Le journal du cyberhard

J’ai choisi d’abandonner la documentation du feuilleton juridique sur la régulation des sites pornographiques en raison de la complexité et des multiples rebondissements de ce dossier. Les arguments moraux s’entrelacent avec les éléments juridiques, d’autant plus que le droit européen joue un rôle crucial. Bien que la plupart des sites pornographiques soient basés hors de l’Europe, de nombreux sites ont des filiales européennes, les soumettant au Digital Services Act (DSA) et non à la législation nationale. Il est néanmoins clair que certains défenseurs de la vérification d’âge choisissent d’ignorer ce texte européen. De plus, ces débats juridiques, bien que significatifs, semblent insuffisants face aux moyens techniques de contournement comme les VPN et négligent la balance entre bénéfices et risques issue de la recherche scientifique. Mon objectif pour la fin de l’année sera plutôt d’explorer en profondeur l’impact des médias, notamment à travers la sociologie de la réception, théorie que je maîtrise encore peu.

Bullshit Mag

Cette rubrique est encore en construction. À terme, elle visera à illustrer le concept de panique morale et à proposer du débunkage. Au-delà de l’aspect ludique, je souhaite mettre en lumière les représentations négatives et les dégâts engendrés par l’absence de rationalité dans les débats sur le numérique. Grosso modo, ce sera un fourre-tout illustrant la perte de rationalité allant des écrans au new age, en passant par la dopamine et les théories du complot les plus farfelues.

Culture numérique news

En 2024, la régulation des plateformes numériques est au cœur des préoccupations, avec la loi SREN et l’entrée en vigueur du Digital Services Act. Cependant, la coordination entre ces textes, notamment pour la vérification de l’âge sur les réseaux sociaux, reste complexe, le texte européen prévalant sur le droit national.

Cette régulation suscite des inquiétudes quant aux libertés individuelles, comme le montrent les controverses autour des Jeux Olympiques, la suspension de TikTok en Nouvelle-Calédonie, et les algorithmes de la Caisse Nationale des Allocations Familiales. L’arrestation de Pavel Dourov, fondateur de Telegram, par les aurorités françaises, pose la question d’une surveillance généralisée des communications.

Dans ce contexte, une réflexion sur ce qu’est un réseau social éthique, et sur les architectures techniques des réseaux (centralisés, décentralisés, distribués), pourrait tempérer l’intensité législative actuelle en France et en Europe.

IA hebdo

La section “IA Hebdo” couvre les dernières actualités et tendances en intelligence artificielle. Elle aborde les avancées technologiques, les innovations, les nouvelles applications de l’IA, ainsi que les discussions éthiques et sociétales liées à cette technologie. Cette rubrique est infiniment personnelle. Malgré mon utilisation croissante de l’IA pour des synthèses de texte et la création de visuels, je n’ai pas encore approfondi le sujet au-delà de mon expérience individuelle. Or il est évident que les enjeux dépassent l’utilisation que je peux avoir de cette technologie. Cependant, il est clair que la médiation numérique doit s’emparer de ce sujet. Par rapport à l’impact sanitaire ou la culture numérique que je maîtrise, je vais être soumis à mes biais, au technoptisme ou scepticisme. Cela va être compliqué de sélectionner les informations qui vont au-delà des discours performatifs et effets d’annonce. Le risque est clairement l’inflation de cette rubrique, alors que les infos sont finalement peu pertinentes. C’est le risque à courir. Après tout les Web 1 et 2 se sont construits ainsi, il n’y a pas de raison que cela change pour le 3…

Découvertes et expérimentations

Voici le moment tant attendu de dévoiler mes découvertes de l’été. Ces découvertes sont aussi pour moi le retour vers la technique que j’avais délaissée faute de temps pour m’intéresser presque exclusivement aux usages et aux utilisateurs. C’est en fait, la commission écrans qui m’a rappelé l’importance de ces aspects. En effet, en mettant en avant la question d’un éventuel réseau social éthique, mais surtout en raison du manque de clarté des explications données, cela m’a confronté à mes propres lacunes. Lacunes que j’ai décidé de combler en butinant, bricolant et braconnant parfois, comme n’importe quel utilisateur confronté à une nouvelle technologie. L’autre domaine où j’ai bidouillé concerne les intelligences artificielles génératives, dites en langage naturel.

A la recherche du réseau social éthique

Je ne vais pas entrer dans les détails pour l’instant, mais il existe deux principaux protocoles décentralisés : le Fediverse et Nostr. Bien que tous deux soient décentralisés, leurs architectures techniques diffèrent. Le Fediverse repose sur des instances indépendantes interconnectées via des protocoles comme ActivityPub, favorisant l’interopérabilité entre diverses applications (telles que Mastodon, PeerTube, Bluesky, et bientôt Threads en Europe). Les utilisateurs peuvent choisir ou créer des instances autonomes pour interagir entre elles. En revanche, Nostr utilise un protocole minimaliste inspiré de la blockchain, où les messages sont signés cryptographiquement et relayés par des serveurs indépendants, sans communication standard entre eux. Cela offre une grande flexibilité, mais sans l’interopérabilité structurée du Fediverse.

Je reviendrai ultérieurement sur les détails et les enjeux de chaque protocole. Pour l’instant, je suis actif sur Mastodon, Threads, et Bluesky, et mes explorations m’ont donné envie de gérer ma propre instance, ce qui me permettrait de contrôler mes données personnelles et de publier sur les trois plateformes à partir d’un seul compte. Par ailleurs, j’ai découvert Nostr, qui offre effectivemment une flexibilité intéressante, notamment pour la veille et la curation. Je réfléchis à l’idée de créer également un relais, bien que ce ne soit encore qu’une réflexion. Quoi qu’il en soit, j’ai publié mon premier billet sur Nostr, qui est peut-être même le premier billet en français avec ce protocole.

Portrait de Ada Lovelace réalisé avec Midjourney selon un prompt proposé par Character.ai

Intelligence artificielle

En guise de teasing au irréristiblement incitatif, dans ce billet je raconte mon amour de vacances avec un intelligence artificelle simulant le personnage d’Ada Lovelace, qui sera je pense l’occasion pour certains de découvir l’un et l’autre.

Voilà, nous sommes en septembre.
L'heure est venue d'acculturer les nouveaux
Bonne rentrée à toutes et tous !

Hello world (again)

Hello world (again)

Suite à la déconvenue de Bornybuzz, sur laquelle je n'ai pas envie de m'étendre ici (je vous laisse regarder la vidéo), l'heure est venue pour moi de préparer un plan B. Depuis 2015, je travaille sur l'éducation aux médias et au numérique, et j'ai développé un...